19. BAD NERVES

« Faire ce qu’on veut et réfléchir après »

La scène parisienne de l’International n’avait pas connu pareil déferlement d’énergie depuis longtemps. Même si on ressent l’héritage des Ramones, des Clash ou des Pistols, les Bad Nerves ont créé un son unique, un mélange de sucre et de dynamite, mis à l’honneur dans leur premier et unique album, sobrement intitulé Bad Nerves. Leur succès immédiat et surprenant, l’attente du deuxième album, la réalité face à la vie rêvée de rockstar… Le frontman du groupe Bobby Nerves nous a confié deux ou trois secrets.

Comment se passe la tournée ? Paris est l’un des premiers concerts sold out.

C’est génial. La première date complète, c’était Prague, c’est fou. Même les autres sont toujours remplies de monde, on s’y attendait vraiment pas. Ça nous a pris du temps de pouvoir jouer partout en Europe, alors chaque personne qui vient nous voir compte énormément pour nous.

Est-ce que vous pensez à l’héritage dont vous faites partie, celui qui suit les pas des Ramones ou des Clash ?

Non, on essaye de pas y penser, ou alors de manière complètement irrationnelle. Le succès a été assez inattendu, le projet c’était juste de faire un album, de presser le disque et de l’avoir chez nous. C’était notre seule motivation.

Et maintenant ? Les enjeux ont dû évoluer depuis les premiers succès.

C’est compliqué de déterminer ce qu’est vraiment le succès. Financièrement, on n’a jamais vraiment été payé un centime. Notre premier label nous a tout volé. Il faut payer les déplacements, l’hôtel… Au moment où je parle, je suis dans le garage de mes parents, un seau à mes pieds pour récupérer l’eau qui goutte du plafond, tout ça en écrivant le deuxième album. C’est la réalité, mais le groupe grandit évidemment. On a eu la chance de côtoyer des gens extraordinaires toute l’année, et toute l’année prochaine aussi, on est très bien entourés. Le vrai succès, c’est trouver quelque chose qui nous plaît tellement qu’on oublie toute la merde autour.

Comment, tous dans des groupes différents, vous avez fini par vous retrouver ?

Will et moi, on a partagé les mêmes groupes pendant des années. Jon était un peu connu dans la scène locale à Chelmsford, Essex. On a trouvé George et Sam en chemin, et la formation était complète.

Comment on sait quand l’alchimie entre cinq mecs est la bonne ?

C’est sûr qu’à traîner ensemble aussi longtemps, on voit autant le meilleur que le pire de chacun. Être un groupe de musique en plus qu’une bande d’amis, c’est une relation qu’on ne peut pas vivre ailleurs, et qui est virulente mais passionnante. On apprend quelles lignes ne pas franchir, c’est sacré. Je recommande fortement.

Le son pop et punk qui fait votre signature est bien illustré dans le clip de Radio Punk : une image nette et léchée, en contraste avec les asticots que vous vomissez au milieu du dernier refrain.
Merci ! On a adoré faire ce clip, c’était génial et grotesque. L’idée, c’était de montrer ce qui arrive quand ta motivation est d’écrire une chanson radio-friendly, comme c’est beaucoup demandé aux groupes par les labels. Radio Punk est un peu une parodie de ce genre de titre, et du conflit interne qu’on ressent quand des forces extérieures t’influencent à faire du mainstream. Et du punk mainstream ressortent souvent les pires trucs. Mais pas notre chanson, elle est géniale.

Comment est né ce son instantané, puissant et étrangement simple ? On dit que certaines des meilleures chansons du monde n’ont qu’un ou deux accords.
Quand tu ne maîtrises pas totalement ton instrument, comme nous, tu te débrouilles comme tu peux, et deux ou trois accords, c’est tout ce qu’on peut faire ! Alors je suis d’accord avec toi. Mais quand j’écoute Radiohead je me rends compte que je suis assez limité…

On dit que le deuxième album est toujours le plus dur… Que peut-on savoir du prochain ?

C’est vraiment dur, oui ! Parce qu’on n’avait aucune attente avec le premier. Là, on doit se battre avec l’idée de ce que les gens attendent ou pas, ça peut être vraiment handicapant parfois. Mais je me sens bien, et des nouvelles chansons naissent chaque semaine. On a commencé à enregistrer sans que ça soit vraiment fini, ce qui est une manière assez bête de procéder. Le tout est assez chaotique, on change tout constamment et on réenregistre tous les jours. Mais on voit l’album en train de naître, et c’est génial de voir qu’il est déjà plus intéressant que le premier, sans sonner complètement différent. On peut pas faire le même album deux fois, c’est sûr, on referait le premier en moins bien. On ne peut qu’écrire ce qui nous vient sur le moment, et j’apprends à lâcher prise là-dessus, sinon je me censure quand les chansons ne sonnent pas assez « Bad Nerves » pour moi. Toutes les fois où j’ai laissé mon esprit faire ce qu’il voulait, ça a donné les pistes les plus intéressantes du prochain album. Le prochain single en sera un bon exemple ! Le mieux, c’est de faire ce que tu sens et réfléchir après.

LA PLAYLIST DES BAD NERVES :

Radioactivity – Don’t Try
Jay Reatard – Blood Visions
Ramones – Judy is a Punk
The Clash – I’m So Bored with the USA
Carbonas – Journey to the End 
Viletones – Rebel
Dan Sartain – Fuck Friday 
Teengenerate – Dressed in Black
David Bowie – Moonage Daydream
Ty Segall – Oh Mary

Entretien réalisé en octobre 2023.

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