16. VAUDOU GAME

« On peut pas être plombants si on veut faire passer un message sérieux »

Dans leurs quatre albums sortis depuis 2014, le groupe Vaudou Game resuscite les ambiances afro-funk des années 70, et plonge les spectateurs de leurs concerts dans un état d’exaltation rare. Mais derrière la façade festive et groovy du groupe se cache une portée bien plus sérieuse, qui prêche l’importance de la nature et de la Terre. Le créateur et leader du groupe Peter Solo a accepté de nous parler de sa carrière et des pratiques de la religion Vaudou, élément central du groupe, et de la portée écologique de son message.

Comment ton enfance au Togo t’amènes à devenir musicien ?

Je suis rentré dedans par accident. C’est mon frère qui faisait de la musique dans notre quartier, et un jour on m’a confondu avec lui. Je devais être en CM2, le directeur m’a demandé de venir jouer devant l’école. J’ai dit que c’était pas moi, mais il ne m’a pas cru. Alors j’ai joué n’importe quoi, mais ça a marché. Et on m’a collé l’étiquette de guitariste, et j’ai été obligé de devenir musicien (rires).

T’es passé par Londres avant la France ?

J’avais eu du succès au Togo, j’avais fait deux albums en solo, mais je voulais apprendre et découvrir d’autres choses, alors je suis parti à Londres pour toutes ces raisons. Et une fois prêt, je suis venu en France.

Prêt ?

J’étais prêt une fois que j’ai compris comment fonctionne le système. La façon dont on conçoit la musique au Togo est très différente. Et puis il faut apprendre, et trouver une plus-value à ce que tu sais déjà, et adapter ton bagage aux codes d’ici. C’est à Londres que j’ai appris la rigueur, la discipline.

Tous les membres de Vaudou Game sont lyonnais. Comment s’est faite la connexion ?

Je suis arrivé à Lyon en 2003, j’ai beaucoup tourné en tant que Peter Solo. J’ai rencontré du monde, notamment des musiciens touchés par la musique funk des années 70. Des musiciens disciplinés, polyvalents et doués. Alors en 2013, j’ai sorti mon carnet de contacts, et j’ai formé le groupe.

C’est possible de composer à six ?

Non c’est impossible de créer tous ensemble. Je crée tout seul, et j’apporte tout ça à mes musiciens. Et ils rajoutent chacun leur touche, avec leur expérience du conservatoire par exemple. Moi, j’ai fait l’école de la brousse comme on dit. Et puis j’ai une vie mouvementée, avec des collines et des montagnes, alors déjà pas mal de choses à raconter…

L’ADN de Vaudou Game est basé en grande partie sur le Vaudou et ton expérience de cette religion.

Le Vaudou, c’est une énergie que nous mettons dans la musique. Je suis pratiquant du Vaudou, alors je suis entouré des énergies quand je compose. La musique sert à soigner, elle est omniprésente dans le Vaudou. Elle sert à amener les adeptes dans un autre monde, que nous appelons la Transe. Les rythmiques régulières, hypnotiques… Les gens ne viennent pas aux concerts se distraire, ils viennent voir la réalité. On fait tout pour qu’ils repartent avec une énergie positive. L’importance de la nature et de la Terre est au centre du Vaudou, et on doit transmettre ce message.

Les paroles assez dramatiques et affolantes sont paradoxales avec les sonorités funk, colorées et joyeuses des chansons.

Dans les pratiques Vaudous, il faut préparer le corps à la Transe. La musique sert à préparer le corps. On ne peut pas être plombant, si on veut faire passer un message sérieux.

Dans les clips ou sur les pochettes d’album, tu portes un masque qui a sûrement une signification particulière.

C’est le masque qui protège la ville, la communauté, pendant la nuit. Il représente la sécurité. On le voit comme la clé qui m’a ouvert la porte, qui exporte la musique du Togo ailleurs. C’est un symbole qui représente bien Vaudou Game.

Votre dernier album Noussin est assez différent des précédents dans les arrangements et les sonorités. C’est un effet du Covid ou une volonté de simplifier la formule ?

C’était une volonté d’essayer quelque chose de minimaliste, oui. Comme ce que je faisais au Togo, finalement. Et puis les cuivres étaient loin de moi, bien sûr. Alors, avec mes musiciens les plus rapprochés, on a travaillé sans savoir que ça serait un album, et on a fait quelque chose de plus serré, plus rock. On l’a sorti comme ça, et on a tourné un an avec.

À quand un nouvel album de Vaudou Game ?

Le cinquième album arrive bientôt, oui. Il sera complètement dans la veine de ce qu’on fait depuis dix ans. D’autres artistes se débrouillent très bien dans les autres styles. Nous, on garde notre simplicité, et on reste à notre place, en continuant à travailler. J’aime bien rappeler que Pas Contente, c’est un seul accord, mais un travail fou derrière.

Qu’est-ce que t’écoutes aujourd’hui ?

J’écoute de tout, même de la merde. Tout ce que les gens aiment, et ce que les gens n’aiment pas, on apprend partout. J’aime bien quelques sons d’aujourd’hui, Burna Boy par exemple. Et puis les plus anciens, comme -M-. Et l’afrobeat nigérien, et l’afro-funk avec lequel j’ai grandi.

Entretien réalisé par téléphone en septembre 2023.

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