11. ML

« Le plus important, c’est ce qu’on a entre les mains »

Après avoir été la voix du séduisant trio Sonnfjord, Marie-Laetitia Mattern aka ML a pris son envol depuis plus d’un an. En quelques singles et un EP, elle a réussi à imposer son style et son identité à travers des titres qui lui ressemblent certainement plus : les chansons ne sont plus écrites en anglais mais dans sa langue maternelle et, même si on reconnaît la lointaine patte qui faisait sonner Sonnfjord, ML a indéniablement su innover en trouvant sa propre voie. Son deuxième EP Ailleurs n’existe pas est sorti cette semaine et ne fait que confirmer son talent de compositrice et d’interprète. Elle est l’une des voix les plus prometteuses de la scène belge, et nous fait l’honneur d’être le visage du onzième numéro d’Underdog.

Quels sont tes premières inspirations musicales ? 

J’ai toujours écouté pas mal de rock et de pop. Quand j’étais ado j’étais fan des Strokes, de Arcade Fire, de MGMT, des Kooks, Girls in Hawaii, Balthazar… Mais je pense que le style de musique qui m’a donné envie de me lancer à mon tour, c’est la folk. J’étais fan de Elliott Smith, Fleet Foxes, Conor Oberst, The Do, et aussi Cat Stevens, Johnny Cash, Simon & Garfunkel, Joan Baez. Des artistes qui chantaient des chansons, avec leur guitare. C’est ça qui m’a le plus touchée quand j’étais ado – et encore jusqu’à aujourd’hui c’est le style de musique duquel je me sens intimement le plus proche.

A quel moment as-tu accepté l’idée que tu pouvais faire da la musique ta carrière ?

J’ai suivi des études de communication et journalisme. Une fois mon diplôme en poche, on m’a proposé un boulot en CDI fixe, mais j’ai préféré me concentrer sur la musique. Je pense que ce déclic c’était donc quand j’avais 22, 23 ans. Je me suis dit : je vais bosser comme freelance, pour pouvoir garder la musique en prio à côté du taf. C’est ce que je fais depuis lors. J’ai eu fini mes études de journalisme en 2014, j’ai toujours bossé comme journaliste/rédactrice en freelance à côté de la musique depuis. J’aime bien avoir ces deux casquettes, je trouve ça plus sain. Je suis vraiment passionnée par le journalisme et la rédaction aussi. Je trouve ça rassurant de ne pas développer « que » la musique, parce que en vivre, c’est vraiment trop galère.

On t’a connu avec Sonnfjord. Avec le recul, que t’a apporté l’expérience de groupe ? Et comment s’est fait le déclic de partir en solo ?

Sonnfjord a été une superbe aventure. C’était mes premiers pas en musique, et j’ai pu le faire accompagner d’une team formidable. Difficile de résumer tout ce que cette expérience de groupe m’a apportée. Plein de choses : la scène, les rencontres, les connexions dans le milieu musical belge, la vie en groupe, le fait de créer en commun. Il s’est passé un vrai truc autour de Sonnfjord, en Belgique. On avait un public fidèle, on remplissait des salles, on a joué dans de super festivals (Dour, Solidarité, Eurosonics, Francos de Spa, …). Je pense que mes chansons m’ont un peu précédée dans l’envie de passer en solo. J’avais tous ces nouveaux titres en français entre les mains (ceux qui constituent mon premier EP « Changé » et mon deuxième « Ailleurs n’existe pas »). J’ai décidé de les faire produire par Ambroise Willaume (alias Sage), et en cours de route, j’ai réalisé que ces nouvelles chansons n’étaient plus du « Sonnfjord » mais autre chose. Après, le passage en solo a été progressif. J’ai d’abord cru que ce serait un simple changement de nom. Ça a fini par être un changement complet d’identité. Se séparer des musiciens n’a pas été simple mais ils ont été très compréhensifs. Je pense que je sentais que c’était ce que je voulais faire. Sur du long terme, être un artiste solo, c’est confortable : je me vois faire de la musique en solo toute ma vie, suivre mes envies sans compromis.

La dernière chanson du groupe, Desert Town, semble déjà être un regard vers l’extérieur de ta part, musicalement et dans les paroles en partie françaises. C’était conscient ? 

Ce n’était certainement pas conscient mais c’est vrai que c’est le cas ! Je pense que c’est souvent comme ça en musique. Dans mon cas, j’ai souvent un ou deux titres au sein d’un EP qui annonce un peu la couleur de la suite…

Comment tu écris en général ? Et comment tu sais quand un morceau est réussi ?

Pour moi l’écriture est quelque chose de très instinctif. Au moins je la prévois au mieux c’est. L’inspiration vient et part par vagues, ce sont des passes. J’aime bien écrire quand je suis en mouvement, dans le train, le bus, quand je suis sur mon vélo, des phrases ou des mélodies me viennent parfois… Sinon, c’est dans mon studio, toute seule, avec ma guitare. Souvent quand je suis dans un état mental très « sensible », émotif, mais pas forcément triste. Une sorte de mélancolie qui me connecte aux choses. C’est difficile à décrire… Leonard Cohen appelle ces moments-là un « état de grâce », je trouve ça très beau. C’est vrai que quand une « bonne » chanson me vient, c’est souvent comme si elle venait à moi, de manière un peu inexplicable.

Tu es revenu en solo avec Nuit Noire. Le processus créatif est-il différent maintenant que tu es « seule » ? En vérité, tu travailles toujours avec ton frère Aurelio, je crois. 

Effectivement, les morceaux de mon premier et deuxième EP solo ont tous été travaillés en équipe, ils ne sont solo que dans ma manière de les défendre, en fait. Je compose et j’écris tout de mon côté, c’est-à-dire la chanson : le squelette, en guitare/voix ou piano/voix. Toutes mes chansons ont ensuite été produites et arrangées par Sage (Ambroise Willaume), François de Moffarts (qui était dans Sonnfjord) et Aurelio Mattern (mon frère). La seule chanson qui a été arrangée uniquement par mon frère est Ailleurs n’existe pas. Je travaille en tout cas toujours avec mon frère Aurelio, et j’aimerais que ça dure toujours, on fonctionne vraiment bien à deux !

La chanson et le clip sont excellents. Comment ce dernier s’est-il fabriqué ?

Le clip de Nuit Noire a été réalisé par Raquel San Nicolas, une réalisatrice super douée et à l’écoute. On s’est rencontrées grâce à mes managers, on a vraiment connectées. J’ai adoré tourner ce clip (comme tous mes clips d’ailleurs). Il y avait un clin d’œil au clip de Torn, de Natalie Imbruglia, que j’ai maté en boucle quand j’étais ado.

T’as fait les premières parties d’Izïa, de Clara Luciani, et pas mal de concerts. Comment tu vis l’expérience de la scène ?

J’aime beaucoup la scène, et ces concerts étaient assez magiques. Surtout la première partie de Clara Luciani à Forest National : j’étais complètement seule avec ma guitare devant 8000 personnes. J’ai halluciné. Je ne suis pas prête d’oublier ça. Ces concerts-là, je les ai fait en solo. Mais pour mon projet ‘ML’, j’ai aussi une formule live avec des musiciens : Jérôme Magnée et Fabio Zamagni (qui était dans Sonnfjord avec moi). Je préfère toujours jouer avec eux : la musique c’est mieux quand ça se partage.

Ton deuxième EP est sorti cette semaine. Qu’est-ce que tu peux nous en dire ?

Que j’aime de tout mon cœur les 7 titres qui y figurent. Que je suis franchement émue à l’idée qu’il sorte enfin. J’ai écrit les morceaux de mon premier et deuxième EP dans la même période de vie, entre 25 et 30 ans. C’est un peu une période de basculement de l’adolescence à l’âge adulte (un peu tardive l’adolescence j’avoue). Le deuxième EP est tout aussi intime que le premier, mais il est plus axé sur l’action, le mouvement, l’urgence de vivre. J’adore son énergie, chaque chanson a son humeur. Il me ressemble totalement. Pour moi cet EP c’est comme une photographie de la fille que j’étais à 27, 28, 29, 30 ans. J’y parle de deuil, d’amour, d’envie d’évasion, de fuite, de courage, de résilience. J’y parle du fait de partir, mais aussi de rester, d’affronter, d’aller de l’avant, d’apprendre à se connaître. J’ai décidé de l’appeler « Ailleurs n’existe pas » parce que pour moi, c’est un peu la conclusion. J’ai cherché, je me suis débattue, et j’ai fini par comprendre qu’en fait ce n’est pas mieux ailleurs. Ailleurs c’est dans la tête, le plus important c’est ici, maintenant, ce qu’on a entre les mains.

LA PLAYLIST DE ML

Julia Jacklin – End of a friendship

Weyes Blood – Andromeda

Lana DelRey – How to disappear

Elliott Smith – Say Yes

Tame Impala – Yes I’m changing

Gorillaz – On Melancholy Hill

Arno Saari – Dimanche

Juliette Armanet – A la folie

The Do – Only takes a night

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